J.O. 146 du 26 juin 2003
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Texte paru au JORF/LD page 10773
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Avis relatif à la publication des sanctions prononcées à l'égard d'une société française d'assurance
NOR : CCAX0300006V
La Commission de contrôle des assurances,
Ayant délibéré dans la séance du 25 avril 2003 où siégaient : M. Delmas Marsalet, président, et MM. Aubert, Gougenheim et Vandier, membres titulaires de la commission, en la seule présence du secrétaire de la commission, M. Ruel ;
Vu les articles L. 310-1, L. 310-12, L. 310-13, L. 310-18, A. 310-5 et A. 310-6 du code des assurances, les articles L. 112-8, L. 562-1, L. 562-2, L. 562-7, L. 563-1, L. 563-2, L. 563-3 et L. 563-6 du code monétaire et financier et les articles 2 et 3 du décret no 91-160 du 13 février 1991 ;
Vu les pièces du dossier, et notamment la lettre de la commission du 21 mars 2003 engageant la procédure de sanction et convoquant les dirigeants pour leur audition, et la réponse de la société du 14 avril 2003 ;
Ayant entendu :
- le rapport de M. Porin, commissaire contrôleur général des assurances, et M. Robin, inspecteur des douanes ;
- les observations de M. Mariaux, président, M. Rouleau, directeur général, assistés de Me Ricard, en présence de M. Borgat, administrateur provisoire ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier les dispositions du chapitre II du titre VI du livre V de ce code relatif à la déclaration de sommes ou d'opérations soupçonnées d'être d'origine illicite sont applicables, notamment « 3. Aux entreprises et services mentionnés à l'article L. 310-1 du code des assurances et aux courtiers d'assurance et de réassurance » ; qu'en vertu de l'article L. 562-2 du même code ces entreprises et courtiers sont tenus de déclarer au service compétent du ministère de l'économie, dit TRACFIN, notamment « 1. Les sommes inscrites dans leurs livres qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles organisées ; 2. Les opérations qui portent sur des sommes lorsque celles-ci pourraient provenir du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles organisées » ainsi que « toute opération dont l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément à l'article L. 563-1 » ; qu'aux termes de l'article L. 563-1 : « Les organismes financiers mentionnés à l'article L. 562-1 doivent... s'assurer de l'identité de leur cocontractant par la présentation de tout document écrit probant » ; qu'en vertu de l'article A. 310-5 du code des assurances cette vérification d'identité doit être effectuée avant la conclusion de tout contrat d'assurance ou de capitalisation ; qu'il résulte des dispositions de l'article A. 310-6 du même code que l'entreprise ou le courtier d'assurance n'est dispensé de cette obligation de vérification que lorsque « le paiement de la prime s'effectue par le débit d'un compte ouvert au nom du client auprès d'un établissement de crédit lui-même tenu à l'obligation d'identification » ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 562-7 du code monétaire et financier, « lorsque, par suite soit d'un grave défaut de vigilance, soit d'une carence dans l'organisation de ses procédures internes de contrôle, un organisme financier ou une personne visés à l'article L. 562-1 a omis de faire les obligations découlant du présent titre, l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire engage une procédure sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs » ;
Considérant que la société Auria Vie reconnaît qu'elle n'a pas, au moins jusqu'à la fin de l'année 2002, procédé à la vérification systématique de l'identité des souscripteurs ; qu'elle ne conteste pas que de nombreux dossiers ne comportent pas de copie ou de référence précise à un document officiel d'identité ou, pour les entreprises, de mention de leurs statuts légaux et des pouvoirs de leurs dirigeants ; que le respect par les organismes financiers de l'obligation de connaître l'identité de leurs clients, instaurée par l'article L. 563-1 du code monétaire et financier, constitue pourtant l'une des conditions indispensables à l'efficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux mis en place par les pouvoirs publics ;
Considérant que le fait que les opérations litigieuses aient été réalisées par l'intermédiaire d'un courtier et que la société n'avait donc aucun contact direct avec la clientèle ne l'exonère pas de ses obligations de contrôle ; que ces obligations ne sauraient se limiter à réclamer dudit courtier un engagement écrit qu'il respecte strictement les obligations qui lui incombent au titre de la législation anti-blanchiment ; que la société ne conteste pas qu'elle n'a effectué aucun contrôle sérieux sur le respect de cet engagement par le courtier, qui lui apportait pourtant près des trois quarts de son chiffre d'affaires dans la catégorie des contrats d'épargne, alors même qu'elle a à plusieurs reprises accepté que le paiement des primes s'opère par un chèque du courtier, voire de certains des collaborateurs commerciaux de celui-ci ;
Considérant que le rapport de contrôle du 18 février 2003 a établi que le CCP de la société Auria Vie avait été alimenté à de nombreuses reprises par des versements anonymes, en espèces, effectués en quelques jours dans divers bureaux de La Poste, et pour un montant unitaire systématiquement inférieur au seuil à partir duquel cet établissement financier demande au déposant des fonds de décliner son identité ; que si Auria Vie a bien écrit à La Poste le 8 octobre 2001 pour lui demander de refuser ces paiements fractionnés anonymes, c'était uniquement, de l'aveu même de la société, en raison des problèmes de gestion que lui posait l'anonymat de ces versements, et non dans une optique de lutte contre le blanchiment ; qu'informée par La Poste le 15 octobre 2001 de l'impossibilité d'un tel refus, la société Auria Vie a attendu le 1er avril 2003 pour prendre la mesure la plus adéquate, à savoir la clôture de son CCP ;
Considérant que ces paiements fractionnés en espèces n'ont pas immédiatement donné lieu à des déclarations de soupçon à Tracfin ; que l'argument de la société selon lequel il serait difficile de procéder à des déclarations de soupçons lorsqu'on ne dispose pas de l'identité est inopérant, car l'article L. 562-2 du code monétaire et financier prévoit que les organismes financiers sont notamment tenus de déclarer à ce service « toute opération dont l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse » ;
Considérant qu'Auria Vie a, depuis le 1er janvier 2001, recueilli sur son CCP plusieurs centaines de versements en espèces supérieurs à 3 000 EUR, pour un montant cumulé de plusieurs millions d'euros ; que la société ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait qu'il s'agissait de versements en espèces ; que l'argument selon lequel les sommes réglées l'auraient été par débit d'un compte tenu par La Poste est erroné, car il ressort clairement des bordereaux remis par cet établissement que ces opérations constituent des versements directs sur le compte de la société, sans débit d'un autre compte ; que la société a reconnu que ces modalités de règlement n'étaient pas conformes au code monétaire et financier en procédant à la clôture de son CCP ;
Considérant que la société Auria Vie a donc fait preuve de carences graves dans la lutte contre le blanchiment des capitaux, à laquelle les entreprises d'assurance, comme les autres organismes financiers, sont tenues d'apporter leur concours ;
Considérant toutefois que ces carences ne concernent que les opérations d'épargne, qui représentent une partie seulement de l'activité de la société ; qu'Auria Vie a dénoncé la convention la liant au courtier qui lui a apporté la totalité des affaires litigieuses ; qu'enfin la société a annoncé, lors de son audition, qu'elle mettait fin à ses opérations d'épargne, et qu'elle avait procédé à une augmentation de capital permettant de garantir le respect de l'intégralité de ses engagements envers ses assurés ; que, compte tenu de ces circonstances, il convient de limiter la sanction à un blâme, assorti d'une sanction pécuniaire de 100 000 EUR,
Décide :
Article 1er
Il est infligé à la société Auria Vie un blâme et une sanction pécuniaire de 100 000 EUR.
Article 2
La présente décision sera notifiée à la société et fera l'objet d'une publication dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 310-18 du code des assurances.